Homélie Pèlerinage diocésain 2020

Dimanche 13 décembre 2020.

 Pèlerinage diocésain.

Chers frères et sœurs dans le Christ,

Chers pèlerins,

Vous qui représentez les différentes paroisses de notre diocèse,

Nous nous sommes réunis en ce jour, aux pieds de la Vierge Marie, pour poser un acte de foi et d’espérance. Dans la situation de pandémie que nous traversons, il semblait plus indiqué de renoncer à l’organisation des pèlerinages que d’y consentir. Nous avons pourtant pris la décision de vivre ce pèlerinage tout en veillant à limiter le nombre des pèlerins, du moment où l’histoire de nos vies continue de s’écrire malgré la pandémie. Et il faut bien qu’elle s’écrive avec le témoignage de notre foi.

Remarquons qu’en dépit de toute la science, de l’art de la prospection et de l’anticipation, l’humanité entière apparaît comme une petite brebis perdue face à la pandémie et aux réels défis. C’est pourquoi nous venons ici en ce jour pour demander au Seigneur, par l’intercession de la Vierge Marie, de nous aider à faire face aux défis de notre temps. Nous sollicitons son intercession pour qu’elle présente nos peines et nos joies, nos cris et nos pleurs, nos silences et nos prières au Seigneur. Nous quêtons son soutien pour nous-mêmes, pour chacune de nos familles, pour les églises paroissiales que nous représentons et pour notre diocèse.

Nous vivons ce pèlerinage dans le respect des gestes barrières. En vous encourageant à continuer de les suivre jusqu’à la fin de cet acte de foi, je voudrais vous suggérer de poursuivre l’effort sur nos lieux de travail et de commerce, dans nos maisons comme sur nos paroisses. Dieu nous a évité de grandes pertes en vies humaines. En lui rendant grâce, continuons à collaborer à son œuvre en posant des gestes responsables. La pandémie n’est pas encore conjuguée au passé, mais l’espoir est permis.

Les textes de ce jour viennent nourrir notre espérance, ils nous invitent même à être toujours dans la joie, la joie du Seigneur. Dans la deuxième lecture, saint Paul formule l’exhortation que voici : « Frères, soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance ». Cette joie ne sera possible que si nous devenons des témoins du Christ ouverts à l’Esprit Saint. Je voudrais, pour notre méditation de ce jour, vous inviter à devenir d’authentiques témoins du Christ pour le monde de ce temps en contemplant la figure de Jean le Baptiste, en attirant notre attention sur la nécessité de vivre sous la conduite de l’Esprit Saint et en nous faisant découvrir la joie à laquelle nous invite ce troisième dimanche du temps de l’Avent.

La page d’évangile qui nous est proposée présente Jean Baptiste, comme un témoin du Christ. En tant que prophète, il était appelé à annoncer au peuple les paroles de vie que le Seigneur lui communiquait. Il était précisément appelé à montrer l’Agneau de Dieu au monde. Jean Baptiste réalise cette mission en engageant toute sa vie, en se retirant au désert pour être mieux uni au Seigneur, en s’abandonnant entièrement et en cultivant une grande humilité. Jean Baptiste n’est pas seulement un modèle pour le temps de l’Avent, il est un authentique témoin du Christ dont l’exemple de vie doit éclairer nos pas. Sa vie s’harmonise avec la Parole du Seigneur.

L’écrivain sacré choisit des mots fort-suggestifs pour nous le présenter. Il dit en effet : « Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean. Il est venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui ». La vie et le ministère de Jean Baptiste nous invitent à ne pas pactiser avec les erreurs du monde et les erreurs des mouvements spirituels de notre temps. En effet, les prêtres et les lévites envoyés de Jérusalem considéraient déjà Jean Baptiste comme le Messie. Mais il refuse de profiter de leur méprise et en toute humilité il dit : « Je ne suis pas le Christ (…) Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Redressez le chemin du Seigneur ». Son témoignage consiste à préparer la venue du Seigneur et non à prendre la place du Christ. Son témoignage consiste à accueillir le Messie et non à se faire passer pour le Messie.

De façon subtile, le monde où nous sommes nous encourage à nous mettre au premier plan, à faire de nous-mêmes le centre de notre vie, à vouloir être notre propre maître, notre propre sauveur. L’exemple de vie que nous présente Jean Baptiste nous appelle plutôt à nous décentrer de nous-mêmes, à nous déposséder de nous-mêmes pour que le Christ devienne le centre de notre vie.

Dans ma dernière lettre pastorale, je vous invitais tous à devenir des témoins. Le monde de notre temps a véritablement besoin de notre témoignage. En suivant l’exemple de Jean Baptiste, nous sommes appelés à préparer la venue du Seigneur en renonçant aux sollicitations trompeuses du monde, en renonçant à nous-mêmes pour laisser au Seigneur tout l’espace qui lui revient. La tentation est grande de vivre la préparation à Noël en restant asservis aux sollicitations du monde et à nos penchants individuels. Il nous faut dès maintenant identifier les aspects de notre vie où nous semblons avoir fermé la porte au Christ.

Jean Baptiste a pu accueillir le Messie et témoigner de lui parce qu’il faisait le vide en lui-même, parce qu’il faisait l’effort de se mettre au second plan. Quand on l’accule de présenter son identité, il se définit relativement au Christ : « Moi, je baptise dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ; c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale ».

Frères et sœurs dans le Christ, qui sommes-nous ? Sommes-nous des chrétiens en préparation à l’accueil du Christ ou bien sommes-nous portés par les vents du monde pour célébrer les fêtes de fin d’année ? Sommes-nous ouverts à nos propres sollicitations ou bien sommes-nous ouverts au souffle de l’Esprit Saint comme Jean Baptiste ? A l’annonce de sa conception, l’ange Gabriel précise au sujet de Jean Baptiste qu’« il sera rempli d’Esprit Saint dès le ventre de sa mère » (Lc 1, 15). Nous comprenons pourquoi il réussit aussi brillamment sa vie de témoin du Christ. A notre tour, rendons-nous disponibles au souffle de l’Esprit Saint pour nous mettre au service de nos communautés.

De ce point de vue, je voudrais attirer l’attention sur une dérive qui nous guette souvent lorsque nous évoquons l’Esprit Saint : elle consiste à faire de l’invocation de l’Esprit Saint l’apanage de certains groupes de prière ou de certaines communautés (dites) nouvelles. Remarquons que Jésus ne distinguait pas un groupe spécifique de disciples quand Il annonçait l’avènement de l’Esprit Saint. Tous les disciples – y compris ceux qui croiront aux paroles des tout premiers témoins du Christ – sont concernés par le premier don fait aux croyants. Les Actes des Apôtres nous montrent à plusieurs reprises comment l’Esprit Saint descendait aussi bien sur les païens que sur le groupe des premiers témoins du Christ (Cf. Ac 10, 44-48 ; 11, 15 ; 15, 8).

En cette année pastorale où nous sommes particulièrement invités à vivre sous la conduite de L’Esprit Saint pour devenir des communautés chrétiennes plus responsables, structurées et harmonieuses, il importe que chacun de nous puisse faire un examen de conscience. Nous devons d’abord reconnaître que nous ne sommes pas toujours restés sensibles à la présence de l’Esprit, ne serait-ce que pour l’invoquer. Dans nos chorales, comme dans nos différents groupes de prière, sur nos paroisses comme dans nos communautés ecclésiales de base, nous devrions nous demander comment nous pouvons accueillir Jésus à la solennité de la Nativité si nous ne sommes pas dociles à l’Esprit Saint comme Jean Baptiste et comme la Vierge Marie.

Lorsque dans sa lettre aux Romains (8, 26) saint Paul dit que : « l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse », il n’utilise pas des mots vides de sens. Il exprime une réalité. « Sans l’Esprit Saint, aucun témoignage, aucune mission n’est possible »[1]. « Sans l’Esprit-Saint, nous voyons l’Église de l’extérieur, comme une réalité extérieure »[2]. « Sans l’Esprit Saint, Dieu est loin »[3]. Mais avec l’Esprit Saint, « l’Évangile est la puissance de vie, l’Église signifie la communion trinitaire, (…) l’agir humain est déifié ! »[4].

Si nous n’avions pas encore pris l’habitude de nous sentir concernés par l’invocation de l’Esprit Saint, retrouvons le bon chemin en l’invoquant tous les jours et mieux, plusieurs fois par jour, seuls comme en groupe. Dans cette perspective, n’oublions pas que cette année nous sommes instamment invités à axer notre réflexion et notre méditation sur l’Esprit Saint, avec une dévotion particulière à sa Personne. L’Esprit saint qui nous donne la claire vision de ce que nous devons faire et la force de l’accomplir ne manquera pas certes de nous assister dans notre démarche.

Notre ouverture à l’Esprit nous met du coup en phase avec la deuxième lecture de ce jour. « N’éteignez pas l’Esprit, ne méprisez pas les prophéties, mais discernez la valeur de toute chose », nous demande l’apôtre Paul. En décidant de vivre sous la conduite de l’Esprit Saint, nous nous engageons à rester à l’écoute du Seigneur dans l’obéissance à l’Eglise pour devenir des instruments de sa grâce. Nous nous engageons aussi au discernement, à l’abandon de toute spiritualité désincarnée et individualiste.

L’onction de l’Esprit Saint ne nous élève pas pour que nous revendiquions des titres ou des charismes particuliers qui nous mettent au-dessus des autres. Elle ne fait pas, non plus, de nous des gourous qui asservissent les autres ou les mettent sous notre dépendance. Elle ne nous conduit surtout pas à vivre en dehors des communautés paroissiales, elle ne nous conduit jamais à vivre hors de l’Église. L’Esprit Saint nous met plutôt au service des autres, au service des pauvres et des petits, dans un esprit d’humilité, de pauvreté et de simplicité. Bref, l’Esprit Saint nous met au service de toute la communauté ecclésiale en nous faisant fleurir là où le Seigneur nous a semés.

Dans la première lecture de ce jour, quand le prophète Isaïe annonce : « L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction », il ajoute immédiatement : « Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur ». En vivant sous la conduite de l’Esprit Saint pour devenir des communautés chrétiennes plus responsables, structurées et harmonieuses nous aurons contribué à faire de cette année une année de bienfaits accordée par le Seigneur.

Ce troisième dimanche du temps de l’Avent nous invite à la joie. L’exhortation de saint Paul mérite d’être rappelée : « Frères, soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance ». Oui, la joie à laquelle nous invite l’apôtre Paul est un fruit de l’Esprit Saint (Cf. Ga 5, 22). Elle est une joie qui vient de la certitude que bientôt nous allons accueillir l’Emmanuel, Dieu-avec-nous. Cette joie est comparable à la joie de la bien-aimée qui se sait aimée et attendue même si elle est loin de son fiancé. C’est cette joie qui nous vient du Seigneur indépendamment des mauvaises surprises que peut nous réserver l’existence humaine.

Il est vrai que nous connaissons dans nos familles, comme sur nos paroisses, certaines difficultés qui apparaissent parfois comme des lieux d’épreuve très éprouvants. Mais, illuminés par les bienfaits à venir, nous pouvons déjà manifester notre joie. Il est vrai que le monde traverse encore la pandémie du coronavirus, mais la joie du chrétien est indépendante des imprévus de l’existence. Il est vrai qu’il nous faudra de l’abnégation et un ferme désir de construire des communautés chrétiennes plus responsables, structurées et harmonieuses mais nous pouvons commencer à nous réjouir car l’Esprit du Seigneur vient au secours de notre faiblesse. Il est vrai que de nos yeux nous ne voyons pas encore la venue du Fils de l’homme, mais dans la foi, nous savons qu’Il est proche, « Il fera disparaître la mort pour toujours. Il essuiera les larmes sur tous les visages, et par toute la terre il effacera l’humiliation de son peuple » (Is 25, 8).

En ce jour, je demande au Seigneur de vous combler abondamment de cette joie, de sorte qu’elle déborde sur toutes nos familles, sur nos communautés paroissiales. Chers pèlerins, n’hésitez pas à partager cette joie autour de vous. Dites à ceux dont le cœur défaille : « prenez courage, ne craignez pas » car « voici notre Dieu qui vient : il vient nous sauver » (Cf. Is 35, 4), Lui qui vit et règne maintenant et pour les siècles des siècles. Amen !

[1] §10.

[2] § 16.

[3] § 20.

[4] IGNATIOS DE LATTAQUIE, Revue Prier, mai 2007, 15.