DIMANCHE DE PENTECÔTE 2020

31 mai 2020.

DIMANCHE DE PENTECÔTE.

Chers frères et sœurs dans le Christ,

Nous célébrons aujourd’hui dans l’Église la fête de la Pentecôte qui est la fête de l’Esprit Saint. C’est la réalisation de la promesse faite par le Christ ressuscité à ses disciples lorsqu’il leur disait : « Il vaut mieux que je m’en aille, car, si je ne m’en vais pas, le Défenseur ne viendra pas à vous ; mais si je pars, je vous l’enverrai ».

Cette promesse du Christ trouve sa pleine réalisation en ce jour. L’Esprit que reçoivent les disciples le jour de la Pentecôte est un don venu du ciel comme nous le montre bien le récit des Actes des Apôtres. La question qui surgit est celle de savoir : de quelle nature est ce don du ciel et comment en rendre compte de façon intelligible ?

Le psalmiste dans le psaume responsorial proposé à notre méditation apporte quelques éléments de réponse quand il dit : « Tu reprends leur souffle, ils expirent et retournent à leur poussière. Tu envoies ton souffle : ils sont créés ; tu renouvelles la face de la terre ». L’Esprit ici est le souffle de Dieu (ruah en hébreu) sans lequel l’homme ne peut subsister : c’est le souffle par lequel l’homme, dès sa création, devient un être vivant (cf. Genèse 2, 7).

Dans la perspective de la foi chrétienne, l’Esprit est ce qui rend capable de témoigner d’un attachement indéfectible au Christ. C’est dans ce sens que l’apôtre Paul dans la deuxième lecture affirme : « Frères, personne n’est capable de dire : « Jésus est Seigneur » sinon dans l’Esprit Saint ». Autrement dit, sans la présence de l’Esprit Saint en nous, notre vie chrétienne n’a pas de sens. De même que le souffle de Dieu rend l’homme capable d’être un vivant, de même en est-il de l’Esprit Saint dans la vie du chrétien. Ce dernier n’affirme son attachement au Christ que parce que l’Esprit est à l’œuvre dans sa vie. C’est dire que sans l’Eprit Saint, notre vie chrétienne tombe en ruine.

De cette présence de l’Esprit Saint dans notre vie chrétienne, nous l’avons expérimenté de façon forte durant la trop longue période de confinement auquel nous a contraints la COVID-19. Malgré la suspension des célébrations dans nos églises et le jeûne eucharistique forcé, votre attachement au Christ, chers frères et sœurs, s’est plus que jamais radicalisé et vous attendez avec une impatience légitime que puissent reprendre les activités de nos églises. Votre grand attachement à la vie de l’Église est le signe que l’Esprit de Dieu est bien présent en vous. C’est Lui qui a maintenu vive en vous la flamme de la foi, et c’est encore Lui qui vous permettra de continuer de l’animer et de l’approfondir, de façon à pouvoir rendre l’Église du Christ toujours vivante et rayonnante. A la lumière de la Parole de Dieu proposée à notre méditation, je voudrais relever trois actions majeures qui témoignent de la présence de l’Esprit Saint dans la vie de nos églises.

La première action majeure est l’œuvre d’unité. Dans le récit des Actes des Apôtres, l’Esprit qui descend sur les apôtres est celui qui vient les confirmer dans l’unité. Remarquons que c’est lorsqu’ils se trouvaient réunis tous ensemble dans la prière et l’unanimité que l’Esprit est descendu sur eux. Cette descente de l’Esprit sur les apôtres va donner lieu au rassemblement des pèlerins présents à Jérusalem, en provenance de plusieurs nations.

C’est dire que l’Esprit, don de Dieu venu du ciel, est toujours un Esprit d’unité, de cohésion, de rassemblement. L’Esprit de Dieu n’est jamais un acteur de division ni un instigateur à la violence : c’est un Esprit qui veut rassembler tous les hommes, de sorte qu’ils puissent former une même famille et vivre dans un esprit de concorde et d’accueil mutuel.

C’est l’occasion de rappeler ici encore une fois l’importance de la communion fraternelle, comme un des objectifs de notre Plan Stratégique d’Action Pastorale. La communion fraternelle n’est possible que dans la mesure où chacun, en tant que membre d’un même corps, prend sa part de responsabilité et joue pleinement son rôle dans le sens de la construction de la vie communautaire. Avoir « un seul cœur et une seule âme » ne saurait donc être une entreprise qui tombe d’elle-même du ciel. Elle exige de chacun un renoncement à lui-même et à son égocentrisme, de façon à accueillir les autres comme un don de Dieu mis à nos côtés pour faire route ensemble.

C’est dans ce sens qu’il nous faut tout mettre en jeu pour bannir de notre vie tout ce qui peut mettre à mal l’unité et la cohésion dans nos communautés. L’une de ces sources de division est notre propre langage auquel il nous faut apporter un soin particulier, comme signe de la présence de l’Esprit en nous: c’est là le deuxième point de notre méditation.

La deuxième action majeure qui témoigne de la présence de l’Esprit de Dieu est en effet le langage nouveau utilisé comme don de l’Esprit. Selon la première lecture, dès que l’Esprit descendit sur les apôtres, « ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit ». Parler en d’autres langues ici ne signifie nullement parler en des langues inaudibles, incompréhensibles, un « parler » spécial destiné à des prétendus illuminés et reçu comme un signe de la présence de l’Esprit.  

Parler en d’autres langues veut dire plutôt parler un langage nouveau, un langage différent de celui utilisé autrefois, un langage compréhensible et susceptible d’être source de stupéfaction et d’émerveillement. De fait, tous ceux qui entendaient les apôtres parler les comprenaient parfaitement chacun dans son propre dialecte : ils les entendaient parler dans leurs langues des merveilles de Dieu.

Parler en d’autres langues veut donc dire parler un langage nouveau qui pousse les hommes à s’émerveiller devant les œuvres de Dieu. Ce type de langage n’est donné qu’à celui qui est réellement converti au Christ et animé de son Esprit. De fait, lorsque l’Esprit du Christ habite en nous, il nous pousse par charité à soigner notre propre langage pour parler aux autres, de façon à pouvoir les ouvrir aux merveilles de Dieu.

Nous ne saurons être disciples du Christ, (animés de son Esprit) et utiliser notre langue pour détruire les autres, les vilipender, les diffamer. Ce type de langage est à bannir de nos communautés d’autant plus qu’il nous divise plutôt que de favoriser l’unité, la cohésion, l’entente. D’où la nécessité pour nous de jeter entre nous des ponts au lieu d’ériger des murs de séparation et d’exclusion entre nous. C’est ici le troisième point de notre méditation.

La troisième action qui témoigne de la présence de l’Esprit entre nous consiste justement à « jeter des ponts » entre les hommes. L’expression « jeter des ponts » est du Pape François qui présente l’Église du Christ comme une Église en sortie, une Église qui va à la rencontre des hommes et des femmes de notre temps, quelles que soient leur provenance, leurs cultures et leurs conditions de vie.

L’Église du Christ est dite en sortie dans la mesure où la mission confiée aux disciples du Christ après sa résurrection consiste principalement à sortir du lieu où ils étaient enfermés pour aller à la rencontre des hommes. L’Esprit reçu des apôtres est donc Celui qui les jette sur la route de la mission, de sorte qu’ils puissent entrer en contact avec les hommes et les femmes de tous les temps et de diverses conditions de vie, pour leur apporter un message de salut.

Chers frères et sœurs, sommes-nous conscients d’avoir reçu nous-aussi l’Esprit du Christ, don du ressuscité qui nous pousse à toujours « jeter des ponts », c’est-à-dire aller vers tous les hommes de notre temps qui attendent de notre part un geste ou une parole de soulagement, de réconfort, voire d’espérance ?

La fête d’aujourd’hui nous rappelle que chacun de nous, de par son baptême dans la mort et la résurrection du Christ, a reçu en plénitude les dons de l’Esprit. Ne laissons pas ces dons s’éteindre en nous ! Demandons au Seigneur la grâce d’en prendre une plus vive conscience et de travailler toujours plus ardemment à leur fructification dans notre vie et pour le rayonnement de l’Église. Que le Seigneur nous en accorde la grâce, Lui qui vit et règne maintenant et pour les siècles des siècles. Amen !